Pourquoi les start-up françaises ont-elles si peu accès au financement par dette ?

Pourquoi les start-ups françaises accèdent-elles si difficilement à la dette ? Analyse 2025 du capital-risque, du venture debt et des alternatives comme le CIR.

Olivier Equey

Manager en fiscalité de la recherche – France

01/12/2025

6 minutes de lecture


Votre start-up a nécessairement besoin de liquidités pour tenir jusqu'à la prochaine levée de fonds. Pourtant, les banques refusent votre dossier. 

En effet, les investisseurs en capital-risque sont de plus en plus frileux, et il vous faut une alternative non dilutive. Bienvenue dans la réalité du financement des start-ups françaises en 2025. Heureusement, des alternatives existent, comme le Crédit d'Impôt Recherche, qui offre une source de trésorerie prévisible et non-dilutive pour les entreprises innovantes.

Pourquoi le financement des start-up s’est-il autant contracté en 2025 ?

L'écosystème français traverse une période difficile. Les investissements français en capital-risque du premier trimestre 2025 ont plongé aux niveaux de 2020, avec une baisse touchant presque tous les stades d'investissement, comme le montre l’article publié par Tech Funding News.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes, selon un article du média Eldorado :

  • Le nombre d'opérations a diminué de 23 % (54 opérations contre 70), indiquant moins d'opportunités de financement disponibles
  • Les phases Seed et Pre-seed totalisent seulement 87 M€ sur les 741 M€ levés, soit environ 12 % du total
  • Les opérations de Private Equity (160 M€) et les Séries B/C (202 M€ combinés) représentent 49 % des montants, confirmant une fuite de capitaux vers les entreprises plus matures
  • La baisse s'inscrit dans "la continuité du mouvement observé depuis mi-2023", indiquant un déclin systémique et non conjoncturel du financement early-stage

Cependant, même si, selon le média Sifted, les levées de fonds réalisées à Paris ont chuté de 36,4 % au premier semestre 2025 par rapport à la même période en 2024, un retour à la normal semble se profiler, avec en octobre 2025, une levée de 741 millions d'euros par les startups françaises à travers 54 opérations.

Cela signifie que les nouvelles innovations peinent à démarrer : le pipeline des futures scale-ups se tarit dangereusement.

Pourquoi le capital-risque français est-il devenu aussi volatil ?

En fait, les chiffres de 2025 s'inscrivent dans un cycle de volatilité extrême qui fragilise l'ensemble de l'écosystème. 

Avant la crise sanitaire, les investissements annuels en capital-risque atteignaient 1,93 milliard d'euros, selon l’OCDE. En 2021, portée par des taux d'intérêt historiquement bas et une liquidité abondante sur les marchés, la France a connu une forte croissance des investissements en capital-risque, atteignant 3 milliards d'euros (+59% par rapport à l'année précédente).

Cette euphorie n'a pas duré, selon les chiffres de l’OCDE. En 2023, les investissements totaux en capital-risque ont chuté à 1,75 milliard d'euros, une baisse provoquée par la hausse des taux d'intérêt qui a rendu les produits de financement à taux fixe plus attractifs et par le ralentissement économique qui a assombri les perspectives commerciales. La baisse a été particulièrement marquée pour les investissements en phase tardive (-63% en glissement annuel) et les investissements en phase de démarrage et autres phases précoces (-27% en glissement annuel).

De 1,93 milliard d'euros avant la crise sanitaire, à 3 milliards en 2021 ; puis de 1,75 milliard en 2023, à 1,4 milliard au Q1 2025… On peut légitimement penser que le capital-risque français suit les cycles macroéconomiques d’amplitude dangereuse.

Cette instabilité pose plusieurs problèmes :

  • Impossibilité de planifier : comment construire une stratégie de levée sur 18-24 mois quand le marché peut s'effondrer de 40 % en quelques trimestres ?
  • Effet pro-cyclique : le capital-risque investit massivement quand l'économie va bien (et que les valorisations sont élevées) et se retire quand les entreprises en ont le plus besoin.
  • Sélection naturelle : les start-ups qui ont levé au mauvais moment (2021-2022 à des valorisations gonflées) peinent maintenant à lever des tours de suivi, même si leur produit fonctionne

Cette volatilité structurelle du capital-risque explique pourquoi les fondateurs avisés cherchent désormais à construire des "war chests" diversifiés, combinant equity, dette stratégique et surtout des sources de financement contra-cycliques comme le CIR.

Quelles sont les causes profondes du manque de liquidité en 2025 ?

Cette crise du financement n'est pas un simple accident de parcours. Elle découle de plusieurs facteurs structurels qui convergent en 2025.

Beaucoup de grands fonds de capital-risque arrivent à la fin de leurs véhicules d'investissement existants, créant un gap d'environ six mois avant le lancement de nouveaux fonds.

Surtout, les fonds de capital-risque ne lèvent pas leurs nouveaux véhicules tant qu’ils n’ont pas retourné une partie du capital (DPI) à leurs investisseurs. 

Or, depuis 2022, le marché des sorties est quasiment paralysé : très peu d’introductions en bourse et un fort ralentissement des acquisitions stratégiques. Cette absence de liquidité empêche les fonds de distribuer du capital à leurs investisseurs, ce qui retarde leurs propres levées et réduit mécaniquement la quantité d’argent disponible pour financer les start-ups.

Enfin, le contexte politique n'arrange rien. Les coupes budgétaires gouvernementales prévoient de retirer 3 milliards d'euros du soutien aux start-ups dans le budget 2025, affaiblissant encore l'écosystème au pire moment possible.

Pourquoi le financement par dette reste-t-il limité en France ?

Face à cette crise du capital-risque, on pourrait s'attendre à ce que les start-ups se tournent massivement vers le financement par dette. Pourtant, cette option reste étonnamment limitée en France, notamment comparé aux écosystèmes anglo-saxons.

Le « venture debt », ce prêt spécialement conçu pour les start-ups en croissance, commence à se développer en France mais part de très loin. 

Le principe est simple : la startup emprunte des fonds plutôt que de céder des parts de son capital. Concrètement, il s'agit d'un emprunt assorti d'un taux d'intérêt généralement élevé (8% à 15%) et d'une échéance de remboursement relativement brève (3 à 5 ans).

Selon la European Investment Bank (EIB), « nous estimons qu’en Europe, le venture debt représente environ 3 % des montants des transactions de capital-risque annuelles ». À titre de comparaison, aux États-Unis, cette proportion est estimée à 15 % ou plus. 

Face à la raréfaction du financement en equity, de plus en plus de start-ups cherchent des alternatives non dilutives : 

  • réduction des coûts, 
  • tours de suivi par des investisseurs existants, 
  • recours au venture debt. 

Mais ce dernier reste accessible uniquement à certaines entreprises : les prêteurs exigent une traction commerciale démontrée, idéalement des revenus récurrents, un historique de levées significatives auprès d’investisseurs reconnus, ainsi que souvent des warrants ou garanties liées à l’equity, selon l’EIB. Forcément, ces critères excluent de facto la majorité des start-ups en phase d’amorçage.

Selon Franceinvest, 8,5 milliards d’euros ont été levés en 2024 par les fonds gérés en France qui viendront financer en dette privée des entreprises et des projets d’infrastructure. 12,8 milliards d’euros ont été investis (- 10 % vs 2023) dans 317 opérations (- 28 % vs 2023).

Pourquoi les banques accordent-elles si peu de crédit aux start-up ?

Les banques traditionnelles restent un levier limité pour les jeunes entreprises innovantes. Les données de la Banque de France montrent qu’en mars 2025, la croissance annuelle des crédits mobilisés accordés aux sociétés non financières n’était que de +1,9 %, et de seulement +1,7 % dans le secteur Information et communication, pourtant central pour l’écosystème start-up.

Cette progression limitée reflète une prudence persistante : les banques privilégient les entreprises disposant d’actifs tangibles et d’un historique financier solide, tandis que les start-ups reposent souvent sur des actifs immatériels difficiles à valoriser comme garanties. 

Contrairement aux États-Unis, où des acteurs spécialisés financent depuis longtemps les entreprises technologiques, l’offre française de crédit adaptée aux start-ups demeure encore embryonnaire.

Quel rôle Bpifrance peut-elle jouer dans le financement des start-up ?

Dans cet environnement financier tendu, Bpifrance occupe une place stratégique pour l’écosystème des start-ups françaises. Selon l’OCDE, elle constitue « le principal vecteur de soutien public » aux PME, start-ups et fonds de capital-risque en France, couvrant tous les stades d’investissement, à savoir seed, early, late et intervenant tant directement que via des fonds. En 2023, elle a par ailleurs amplifié l’aide à l’innovation (+80 %) et aux garanties (+8 %) malgré un contexte de repli général du crédit, selon les données de BPI France.  

Toutefois, ce rôle massif soulève aussi des limites : un rapport de la Cour des comptes indique que depuis 2019, environ 45 % des entreprises innovantes « ont bénéficié directement ou indirectement d’un financement public via Bpifrance ou ses fonds partenaires ».

Concrètement, cela signifie que Bpifrance ne peut pas entièrement remplacer un véritable marché privé de dette ou d’investissement en capital ample et diversifié.

Pourquoi la dépendance au soutien gouvernementale est problématique ?

Si Bpifrance joue un rôle crucial, les données de l'OCDE révèlent un paradoxe inquiétant pour l'écosystème français. En 2022, le secteur public représentait une part significative de la levée des fonds de capital-risque français, un niveau de dépendance qui questionne la viabilité à long terme du marché.

Le problème de cette structure :

  • Lorsque l'État réduit son soutien (comme annoncé pour 2025), c'est l'ensemble du marché qui vacille
  • Les investisseurs privés hésitent à combler le vide, créant un cercle vicieux
  • Le Large Venture Fund de Bpifrance a soutenu 11 des 31 licornes françaises en 2022, montrant que même les plus grands succès dépendent du soutien public
  • Un marché mature devrait voir les investisseurs privés dominer, pas l'inverse

Cette réalité renforce encore davantage l'importance de diversifier vos sources de financement.

Points clés à retenir

  • Le financement par capital-risque pour les jeunes entreprises en France a atteint son plus bas niveau depuis 2020, créant un besoin urgent de solutions alternatives pour les start-ups en croissance.
  • Le venture debt ne représente que 14 % des financements en France, contre des niveaux beaucoup plus élevés aux États-Unis, laissant un vide important dans l'écosystème.
  • Diversifier vos sources de financement en combinant CIR, subventions, dette stratégique et equity est devenu indispensable en 2025 pour naviguer dans cet environnement difficile.

La crise du financement par capital-risque ne signifie pas la fin de l'innovation française. Elle impose simplement une nouvelle discipline : diversifier intelligemment vos sources de financement. Le CIR, les subventions publiques et l'émergence progressive du venture debt offrent des alternatives crédibles pour maintenir votre croissance sans dilution excessive. En optimisant ces leviers dès aujourd'hui, vous renforcez votre trésorerie et votre position pour la prochaine phase de développement.

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