Jeune entreprise innovante : comment obtenir et conserver le statut JEI ?

Comment obtenir le statut JEI en 2025 ? Conditions légales, calcul du ratio R&D, pièces justificatives, autodéclaration, voici tout ce que vous devez savoir.

Olivier Equey

Manager en fiscalité de la recherche – France

03/12/2025

6 minutes de lecture


Le statut Jeune Entreprise Innovante (JEI) est l’un des dispositifs fiscaux les plus efficaces pour réduire le coût réel de la R&D. Pourtant, même si le statut fonctionne par autodéclaration, son obtention repose sur une démonstration rigoureuse et beaucoup d’entreprises sous-estiment les attentes de l’administration. Voici ce que vous devez savoir pour obtenir le statut JEI.

Quelles sont les conditions légales exactes pour obtenir le statut JEI ?

Pour que votre entreprise obtienne le statut JEI, cinq conditions doivent être remplies simultanément. Veuillez noter qu’aucune tolérance n’existe : si un seul critère manque, le statut tombe.

Votre entreprise a-t-elle moins de 8 ans ?

Votre entreprise doit être encore dans sa phase de jeunesse au moment où elle applique le dispositif. Le statut cesse automatiquement au début du 8e exercice, indépendamment du niveau d’innovation ou de l’avancement des travaux. 

L’objectif est clairement de soutenir les entreprises dans leur phase de construction technologique.

Bon à savoir

Le calcul se fait à partir de la date d’immatriculation.

Votre entreprise est-elle une PME indépendante au sens européen ?

Les seuils sont précis :

  •  moins de 250 salariés, 
  • chiffre d'affaires ≤ 50 M€ 
  • ou total de bilan ≤ 43 M€. 
  • l’entreprise doit être autonome, c’est-à-dire non contrôlée par un grand groupe. 

Ce critère vise à concentrer l'avantage sur les structures pour lesquelles l'effort de R&D représente réellement un enjeu financier majeur.

Votre capital est-il majoritairement détenu par des personnes physiques ou assimilées ?

Au moins 50 % du capital doit être détenu par : 

  • des fondateurs, 
  • des salariés, 
  • des investisseurs individuels, 
  • des fonds fiscaux (FCPI, FCPR innovants)
  • des établissements publics de recherche. 

L’idée est d’éviter que des filiales de grands groupes captent l’aide. Si des investisseurs institutionnels entrent au capital, ce point doit être vérifié chaque année.

Consacrez-vous au moins 20 % des charges totales à des travaux de R&D ?

C’est le critère le plus difficile à remplir pour votre entreprise. Le ratio se calcule selon les dépenses éligibles au CIR, et non selon la définition plus large de l’innovation. 

Ainsi, seule la R&D au sens scientifique ou technique strict compte : personnel dédié, sous-traitance agréée, amortissements R&D, opérations expérimentales, etc.

Bon à savoir

Beaucoup d'entreprises échouent parce qu’elles incluent à tort des dépenses de développement produit ou de design. Le seuil des 15 % agit donc comme un filtre naturel pour ne retenir que les véritables projets de recherche.

Exercez-vous une activité nouvelle ? 

Le site entreprendre.gouv est clair sur ce sujet. La JEI doit : 

“ exercer une activité nouvelle : c'est-à-dire qu'elle n'a pas été créée dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités déjà existantes ou d'une reprise de telles activités ”

Quelle documentation préparer pour prouver l’éligibilité JEI ?

Même si le statut est appliqué en autonomie, l’administration peut contrôler sur trois ans. Le dossier doit donc être prêt avant l’application des exonérations.

Une description détaillée des projets de R&D

Chaque projet doit comporter une démonstration claire : problématique technique, état de l’art existant, incertitudes, verrous, expérimentations, résultats intermédiaires.

La logique est la même que pour le CIR : l’administration veut comprendre pourquoi vous avez dû faire de la recherche et pas seulement améliorer un produit. Une simple description fonctionnelle est systématiquement requalifiée. Vous devez alors présenter : 

  • Un tableau précis des dépenses éligibles : pour détailler clairement toutes les charges réellement imputées à la R&D et permettre de vérifier leur conformité au périmètre JEI/CIR.
  • Une explication de vos choix d’affectation : pour justifier la manière dont vous avez réparti le temps, les équipements ou les coûts entre R&D et activités non éligibles.
  • Une démonstration de cohérence avec les comptes annuels : pour montrer que les montants retenus en R&D correspondent bien à la réalité comptable de l’entreprise.

À retenir 

L’administration ne contrôle pas seulement le résultat du ratio de 15 %, mais la logique, la rigueur et la traçabilité de la méthode utilisée pour l’obtenir.

Des pièces comptables et RH structurées et accessibles

En pratique, lors d’un contrôle JEI, les inspecteurs demandent systématiquement :

  • Fiches de poste du personnel R&D : pour prouver que chaque salarié imputé au périmètre R&D exerce réellement des missions scientifiques ou techniques.
  • Justification du temps consacré à la recherche : pour démontrer de manière chiffrée et traçable la part d’activité réellement dédiée aux travaux de R&D.
  • Factures de sous-traitance et agréments CIR : pour attester que les travaux externalisés relèvent bien de la R&D et ont été confiés à des prestataires dûment agréés.
  • Tableaux d’amortissement du matériel utilisé : pour montrer la part d’usage des équipements directement affectée aux opérations de recherche.
  • Livrables techniques ou scientifiques : pour fournir des preuves concrètes des travaux expérimentaux menés et de l’avancement réel des projets de R&D.

L’ensemble permet à l’administration de reconstituer clairement le périmètre R&D sans zone grise ni interprétation.

Comment déclarer officiellement le statut JEI ?

Contrairement à d’autres dispositifs, le JEI ne nécessite aucun dépôt auprès de l'administration. Il s’obtient par autodéclaration. On vous explique. 

Première étape : la déclaration et application des exonérations URSSAF

Vous appliquez directement l’exonération sur la Déclaration Sociale Nominative (DSN), uniquement pour les personnels participant effectivement à la R&D. 

Ce point est sensible : la justification du temps passé doit être crédible, même si vous n’utilisez pas de timesheets stricts.

Deuxième étape : l’Application de l’exonération d'impôt sur les bénéfices dans la liasse fiscale (pour les entreprises créées avant le 01/01/2024)

Lorsque vous devenez bénéficiaire :

  • 100 % d’exonération la première année,
  • 50 % la seconde.

L’administration vérifie la cohérence avec vos résultats, vos documents et la chronologie des projets.

Troisième étape : Demande d’exonération CFE/TFPB si la collectivité locale l’a adoptée

Toutes les communes n’ont pas voté l’exonération JEI. Si la vôtre l’a fait, vous devez déposer un formulaire spécifique dans un délai strict. L’avantage peut être significatif, mais reste souvent oublié, faute de suivi administratif.

Comment sécuriser le statut JEI et éviter un redressement ?

Le statut JEI représente un avantage financier important, mais aussi un risque si le dossier est mal constitué. Deux leviers permettent de sécuriser la démarche.

Avez-vous fait un rescrit JEI ?

Vous pouvez demander à l’administration une prise de position formelle sur l’éligibilité de vos projets et dépenses. Le rescrit JEI évite toute contestation ultérieure. C’est une démarche recommandée pour :

  • les entreprises jeunes sans historique de R&D: ni antécédents en matière de R&D, ni processus formalisés, ni documentation solide (rapports d’avancement, preuves méthodologiques, etc.).
  • les dossiers complexes :  intelligence artificielle mais avec forte part d’intégration logicielle (limite avec ingénierie), biotechs en essais exploratoires mais frontières floues avec essais précliniques, deeptech matériel nécessitant tests / prototypages difficiles à valoriser, projets comportant des zones grises (innovations d’usage vs innovations technologiques).
  • les entreprises appliquant un JEI significatif (exonérations importantes) : plusieurs dizaines ou centaines de milliers d’euros par an, forte proportion de l’équipe dédiée à la R&D, croissance rapide des dépenses scientifiques et techniques, … le risque financier en cas de redressement devient important.
  • les sociétés qui anticipent un contrôle : elles sollicitent des aides publiques (CIR + JEI + subventions), elles ont une structure capitalistique atypique, elles recrutent beaucoup de personnels R&D, elles ont déjà été contrôlées récemment, elles évoluent dans un secteur souvent “ surveillé “.

Il faudra remplir et envoyer la lettre SJ, à la Direction départementale des finances publiques (DDFIP) dont dépend votre entreprise.

Avez-vous également un dossier CIR ? Pourquoi c’est important pour le JEI ?

Le statut JEI et le CIR utilisent la même définition de la R&D (celle du Manuel de Frascati).Donc, si vous dites qu’un projet est de la R&D pour obtenir le statut JEI, mais que vous ne le considérez pas comme R&D dans votre CIR, l’administration le remarque immédiatement et cela crée une incohérence.

En pratique, cela signifie :

  • Un même projet ne peut pas être “R&D” pour le statut JEI et “non R&D” pour le CIR.
  • L’administration compare les deux déclarations lorsqu’elle contrôle.
  • Toute différence injustifiée fait naître un doute et peut déclencher une vérification plus poussée.

C’est pourquoi il faut viser une documentation unique, cohérente et consolidée :
un seul dossier technique par projet, structuré de la même manière, et utilisé à la fois pour le JEI et pour le CIR.

Points clés à retenir

  • Le statut JEI fonctionne par autodéclaration, mais demande une capacité de preuve forte. L’entreprise doit être prête à défendre ses travaux techniques, sans attendre la survenue d’un contrôle.
  • Le ratio de 20 % est la condition la plus structurante, et sa méthode de calcul doit être parfaitement maîtrisée. Une erreur d’interprétation peut annuler plusieurs années d’exonérations.
  • Le dossier technique doit démontrer l’existence de verrous scientifiques ou techniques. Une simple amélioration produit ne suffit jamais.
  • Les exonérations URSSAF et fiscales doivent être appliquées avec prudence et cohérence, en particulier pour les personnels partiellement affectés à la R&D.Le rescrit JEI apporte une sécurité juridique forte, surtout pour les entreprises ayant des montants d’exonération élevés ou une R&D difficile à caractériser.
  • L’harmonisation JEI/CIR est indispensable, car toute incohérence entre les deux dispositifs est analysée comme un signal d’alerte.
  • N’hésitez pas à consulter notre ebook JEI !

Checklist JEI pour vous aider à connaître votre éligibilité

Voici toutes les questions que vous devez vous poser pour savoir si vous êtes éligibles au statut JEI :  

  • Votre entreprise a-t-elle moins de 8 ans (calculé depuis la date d’immatriculation de la société) ?
  • Respectez-vous les critères PME au sens européen : moins de 250 salariés, CA ≤ 50 M€ ou bilan ≤ 43 M€ ?
  • Votre entreprise est-elle autonome (c’est-à-dire non contrôlée par un grand groupe) ?
  • Le capital est-il détenu à plus de 50 % par des personnes physiques, des fonds fiscaux ou des établissements publics de recherche ?
  • Le ratio dépenses R&D / charges totales ≥ 20 %, calculé selon les règles CIR, est-il atteint ?
  • Les projets de R&D sont-ils clairement identifiés et distincts du simple développement produit ?
  • Chaque projet comporte-t-il une analyse complète : état de l’art, verrous techniques, incertitudes, démarche expérimentale ?
  • Les personnels concernés participent-ils directement aux travaux de R&D ?
  • Les sous-traitants utilisés sont-ils agréés CIR lorsqu’un agrément est exigé ?
  • Les dépenses retenues suivent-elles strictement les catégories CIR (sans inclure de l’innovation simple) ?
  • Un dossier technique est-il rédigé pour chaque projet, incluant la problématique, les tests et les résultats ?
  • Les fiches de poste des personnels de R&D sont-elles conservées ?
  • Les justifications de temps (timesheets ou méthode raisonnable) sont-elles disponibles ?
  • Les factures, contrats et agréments CIR des prestataires sont-ils archivés ?
  • Les amortissements du matériel affecté à la R&D sont-ils correctement documentés ?
  • Le calcul du ratio des 20 % est-il expliqué dans une note méthodologique ?
  • Les exonérations URSSAF ont-elles été paramétrées dans la DSN uniquement pour les personnels de R&D ?
  • L’exonération d’impôt sur les bénéfices a-t-elle été intégrée dans la liasse fiscale le moment venu ?
  • Avez-vous vérifié si votre collectivité locale a adopté l’exonération CFE/TFPB ?
  • Le formulaire CFE/TFPB a-t-il été déposé lorsque nécessaire ?
  • Un rescrit JEI a-t-il été envisagé ou déposé pour sécuriser la démarche ?
  • Le dossier JEI est-il entièrement aligné avec le CIR (mêmes projets, mêmes dépenses, même logique scientifique) ?
  • Une revue interne ou externe du périmètre R&D a-t-elle été réalisée ?
  • Tous les justificatifs nécessaires à un contrôle URSSAF/SIE sont-ils immédiatement accessibles ?

Le statut JEI est un levier puissant, mais il ne s’improvise pas : seuls les dossiers solides, cohérents et documentés passent sans difficulté. En pratique, tout se joue sur une préparation rigoureuse dès le départ.

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