CIR : Qu’est-ce qu’un verrou scientifique ?

Découvrez comment identifier un véritable verrou scientifique dans un projet de R&D, comprendre les attentes du CIR pour éviter tout rejet.

Olivier Equey

Manager en fiscalité de la recherche – France

05/12/2025

7 minutes de lecture


Cela arrive fréquemment : vous développez un nouveau produit, puis vous vous heurtez à un verrou scientifique.

Bien que courant, ce problème est rarement expliqué. Cette notion centrale de verrou scientifique qui conditionne l’éligibilité au crédit d’impôt recherche (CIR), pose de nombreux problèmes aux CEO et CFO d’entreprises innovantes. 

Or, un verrou scientifique est un élément crucial de votre demande de CIR, et sa bonne identification peut en être déterminante pour son succès.

Pourquoi le verrou scientifique est-il si important pour l’éligibilité au CIR ?

Le verrou scientifique est le critère clé permettant de distinguer une activité de recherche d’une simple activité de développement. 

L’administration ne se base pas sur le niveau d’innovation commerciale ou sur la complexité apparente du produit : elle se concentre uniquement sur la question suivante :

L’équipe a-t-elle été confrontée à une difficulté scientifique ou technique que les connaissances actuelles ne permettaient pas de résoudre immédiatement ?

Lorsque la réponse est oui, il y a verrou ; sinon, le projet bascule éventuellement vers le CII ou vers l’inéligibilité.

Le BOFiP définit les opérations de recherche éligibles au CIR comme des travaux entrepris pour produire de nouvelles connaissances ou imaginer des applications originales. La définition officielle est la suivante :

“…sont considérés comme opérations de recherche les travaux entrepris de manière systématique en vue d'accroître la somme des connaissances ou de concevoir de nouvelles applications.

Comment reconnaître un véritable verrou scientifique ?

Reconnaitre un verrou scientifique est absolument nécessaire pour savoir si vous devez vous lancer dans une démarche CIR. 

On parle de “verrou scientifique” lorsqu’une équipe rencontre un obstacle que les connaissances, méthodes ou technologies disponibles ne permettent pas de surmonter immédiatement, même en mobilisant des experts du domaine. Ce verrou peut se situer à différents niveaux :

  • Conceptuel, lorsque les modèles théoriques ne suffisent pas à expliquer ou prédire un phénomène.
  • Méthodologique, lorsqu’aucune méthode existante ne permet d’obtenir le résultat attendu.
  • Technologique, lorsqu’un système ou une technologie ne peut pas fonctionner dans les conditions ciblées sans développement inédit.
  • Expérimental, lorsque les outils ou protocoles standard ne permettent pas de valider la solution.

Dans tous ces cas, le verrou impose de développer une solution nouvelle, de tester plusieurs hypothèses et de documenter les tentatives infructueuses.

Qu’est-ce qui distingue un verrou d’une simple difficulté technique ?

Une difficulté technique peut être résolue en appliquant des méthodes connues, même si elle demande du temps et de l’expertise.
Un verrou scientifique nécessite de créer ou d’adapter profondément des connaissances ou des méthodes.

Voici comment faire la distinction :

  • Si un expert du domaine peut proposer immédiatement une solution standard :  pas de verrou.
  • Si votre équipe a dû tester plusieurs approches, dont certaines ont échoué :  verrou probable.
  • Si le résultat dépendait de résultats expérimentaux incertains :  verrou caractérisé.
  • Si aucune solution publiée ou outillée ne correspondait au contexte :  verrou établi.

Quels signes montrent que vous êtes face à un verrou scientifique ?

Voici quelques indices qui vous permettent de savoir si vous êtes face à un verrou. 

Quels indices techniques doivent attirer votre attention ?

Les indices qui montrent que vous êtes face à un verrou sont les suivants : 

  • Les résultats sont imprévisibles et doivent être validés par l’expérimentation.
    Cela signifie que même une personne expérimentée ne peut pas affirmer que la solution fonctionnera avant de l’avoir réellement testée.
  • Les approches classiques n’ont pas fonctionné dans votre contexte spécifique.
    Par exemple : instabilité numérique, imprécision, bruit excessif, limites physiques, scalabilité impossible.
  • Votre équipe passe plus de temps à explorer qu’à implémenter.
     Cela traduit une démarche d’investigation, typique de la R&D.
  • Des échecs explicites marquent l’avancement du projet.
     Le CIR ne requiert pas un succès : il requiert un cheminement scientifique.
  • Vos travaux apportent une connaissance nouvelle ou une méthode améliorée.
     Même si elle est interne à votre entreprise, c’est un signe fort d’éligibilité.

Exemple : 

L’entreprise A développe un système de mesure acoustique dans une usine métallurgique. Les modèles existants ne résistaient pas à la saturation en hautes fréquences. L’équipe a dû concevoir un algorithme hybride, tester trois approches de filtrage, et valider expérimentalement la stabilité de la solution. Les échecs successifs et l’absence de littérature applicable démontrent un verrou scientifique clair.

Quels types de travaux permettent de surmonter un verrou scientifique ?

Lorsque vous êtes face à un verrou, les travaux que vous réalisez ont généralement une dimension exploratoire :

  • Formulation d’hypothèses : vous définissez plusieurs pistes possibles car aucune ne s’impose comme solution évidente.
  • Tests successifs : chaque hypothèse est évaluée à travers des expérimentations, simulations ou prototypes.
  • Analyse des échecs : les tentatives infructueuses permettent autant que les succès de caractériser la recherche.
  • Développement de nouvelles méthodes : vous adaptez ou combinez des approches existantes pour répondre à votre contexte.
  • Mesures et validation scientifique : vous devez vérifier objectivement que la solution fonctionne.

Ce cheminement n’a rien à voir avec un simple développement logiciel ou industriel : il mobilise une logique scientifique exigeante.

Exemple :

Entreprise B tente de stabiliser un dispositif optique soumis à des variations thermiques extrêmes. Les modèles existants ne tenaient pas compte de ces conditions. L’équipe a dû établir un nouveau modèle mathématique, mener des tests de résistance et valider plusieurs prototypes. Le verrou résidait dans l’incapacité des connaissances existantes à prédire correctement les déformations.

Qu’est-ce qui n’est pas un verrou scientifique ?

Beaucoup d’entreprises pensent avoir un verrou… alors qu’elles ont simplement une contrainte de développement. Voici les cas qui reviennent le plus souvent :

  • Les délais ou les contraintes organisationnelles :  manque de ressources, architecture logicielle vieillissante.
  • Les difficultés liées à la complexité, mais pas à l’incertitude : coder une fonctionnalité très longue, mais parfaitement maîtrisée.
  • Les problématiques purement ergonomiques ou esthétiques : refonte UI, design produit, expérience utilisateur.
  • L’intégration d’une technologie existante : combiner deux systèmes déjà connus, même si cela demande du temps.
  • Les adaptations spécifiques à un client : personnalisation d’un produit pour une grande entreprise.

Dans ces cas, l’entreprise relève plutôt du développement (donc non CIR), ou éventuellement du CII si un prototype d’un nouveau produit est réellement développé.

Comment expliquer un verrou scientifique dans votre dossier CIR ?

Il est absolument nécessaire d’expliquer votre verrou scientifique dans votre dossier CIR. 

Comment présenter le problème initial ?

Vous devez commencer par décrire le contexte technique et montrer pourquoi les solutions existantes ne pouvaient pas fonctionner dans votre cas. Une phrase du type “Les méthodes connues ne permettaient pas d’obtenir X en raison de Y”… est le point d’entrée idéal.

Comment présenter les approches explorées ?

Expliquez les différentes pistes testées, ce que vous attendiez, ce qui a échoué, et pourquoi. Le but n’est pas de montrer que vous avez réussi, mais que vous avez dû chercher.

Comment présenter la solution finale ?

Il est essentiel de préciser :

  • ce que votre équipe a découvert,
  • ce qu’elle a appris en cours de route,
  • ce que cela apporte par rapport à l’état de l’art.

Exemple de formulation : 

Aucun modèle existant ne permettait de filtrer le bruit haute fréquence dans notre contexte. Trois méthodes ont été testées : A (instable), B (insuffisante), C (partiellement efficace). Nous avons finalement développé une approche hybride fondée sur […], permettant une précision supérieure de 27 %. Les travaux ont permis de résoudre un verrou technique documenté dans […]. 

Checklist : Ai-je réellement un verrou scientifique ?

Vous avez encore des doutes ? Utilisez cette liste pour évaluer rapidement si ton projet relève bien du CIR :

  • Le problème initial est-il insoluble avec les méthodes connues ?
  • Si un expert du domaine, en s’appuyant sur les connaissances existantes, n’aurait pas pu proposer immédiatement une solution fiable, alors la situation correspond probablement à un verrou.
  • Les solutions standard ont-elles échoué dans votre cas ?
  • Un verrou est caractérisé lorsque les approches connues comme des modèles mathématiques, algorithmes, procédés physiques ne fonctionnent pas dans votre environnement ou pour votre contrainte spécifique.
  • Avez-vous dû tester plusieurs hypothèses techniques ?
  • Le CIR exige une démarche d’exploration : formulation d’hypothèses, essais successifs, calibrages, ajustements et abandon de pistes non concluantes.
  • Les résultats étaient-ils impossibles à prédire avant expérimentation ?
  • Un verrou existe lorsque vous ne pouvez pas affirmer qu’une solution fonctionnerait avant de l’avoir conçue et testée, même en mobilisant des experts.
  • Avez-vous conçu une méthode, un modèle ou une approche qui n’existait pas dans la littérature ?
  • Même une amélioration interne ou une combinaison inédite peut constituer un apport scientifique, si elle répond à un problème non traité par les connaissances existantes.
  • Des échecs ont-ils rythmé l’avancement du projet ?
  • Les échecs expérimentaux ou les itérations infructueuses sont des signes forts d’une activité de recherche : ils démontrent que la solution n’était pas triviale.
  • Le travail a-t-il abouti à une nouvelle connaissance ou un nouveau savoir-faire technique ?
  • Même si le projet se termine par une impasse ou une solution partielle, la création ou l’amélioration méthodologique est un indicateur clair de verrou scientifique.
  • Le livrable final est-il une méthode, une technologie ou un algorithme et non un simple produit fonctionnel ?

Si le résultat de vos travaux est une connaissance, une méthode ou une technologie nouvelle, il s’agit d’une démarche scientifique, non d’un simple développement.

Points importants

  • Un verrou scientifique se caractérise par une incertitude, non par une difficulté.
  • Le verrou impose de chercher, pas seulement de développer.
  • L’administration attend des preuves d’exploration : essais, échecs, itérations.
  • Les projets sans verrou relèvent souvent du CII ou d’aucun dispositif.
  • Un bon dossier CIR décrit clairement : le problème > les hypothèses > les essais > les résultats.

Le verrou scientifique est l’élément central qui distingue une activité de développement d’une véritable activité de recherche. Lorsqu’il est correctement identifié et documenté, il constitue la base d’un dossier CIR solide et défendable.

Si vous avez un doute sur la nature scientifique de vos travaux ou sur la manière de présenter vos verrous, je peux vous fournir une analyse rapide pour sécuriser votre position

Vous souhaitez vérifier si vos projets sont éligibles ? Contactez nos experts pour un diagnostic CIR gratuit et confidentiel. Pour en savoir plus, consultez notre ebook CIR.


Nos actualités

Nous contacter

N’hésitez pas à nous contacter pour échanger et voir comment Myriad Consulting peut optimiser et sécuriser vos opportunités de financement R&D.

Contactez-nous