Arkeon, cette startup veut transformer le CO2 en nourriture grâce à un microbe

Vous avez entendu parler d’Arkeon, l’entreprise qui produit de la nourriture au lieu d’émettre du Co2 ? On vous raconte tout.

Maureen Damman

Rédactrice web

08/05/2023

5 minutes


La technologie d'Arkeon pourrait permettre de produire de la nourriture au lieu d'émettre du CO2 lors de la production d'aliments. La sauce secrète de la start-up autrichienne Arkeon ?

Un microbe minuscule trouvé dans un volcan sous-marin. Il s'agit d'un environnement à haute pression et à haute température, avec très peu de nutriments, où les microbes se nourrissent des nutriments contenus dans le gaz. 

Comment ça fonctionne ? 

Arkeon exploite cette puissance pour transformer les émissions de CO2 en acides aminés, en les utilisant dans la fermentation des gaz pour transformer les émissions nocives en nourriture.

"Si vous voulez trouver de tels microbes, vous ne devez pas commencer à chercher sur votre bureau ou dans votre jardin", explique Gregor Tegl, cofondateur et PDG d'Arkeon.

Ce petit microbe qui vit au fin fond des volcans pourrait avoir un impact considérable. La production alimentaire est responsable d'environ un quart de toutes les émissions de gaz à effet de serre. Si vous mangez un hamburger au bœuf, par exemple, vous produisez 2 kg de CO2.  La technologie d'Arkeon offre la possibilité de renverser la situation et, au lieu de produire du CO2 pour fabriquer des aliments, de fabriquer des aliments à partir de CO2.

Nourrir les microbes avec du gaz

La fermentation gazeuse est un processus similaire à la fermentation de précision - une tendance à laquelle les investisseurs en technologie alimentaire ont commencé à s'intéresser récemment, en investissant 133 millions de dollars en 2021 et 90 millions de dollars l'année dernière, principalement au stade de l'amorçage

La fermentation de précision utilise l'épissage de l'ADN pour introduire des gènes animaux dans les microbes de levure, ce qui signifie que lorsqu'ils sont brassés, dans un processus similaire à celui du brassage de la bière, ils produisent un liquide semblable à du lait. Les microbes se nourrissent d'hydrates de carbone et de sucres.

Le processus de fermentation gazeuse d'Arkeon n'est pas si différent, explique M. Tegl. "Il est très similaire, mais au lieu d'utiliser des nutriments à base de sucre, qu'il faut cultiver sur des terres agricoles, nous utilisons du dioxyde de carbone et de l'hydrogène comme matière première.”

Le gain climatique

Si elle peut être mise à l'échelle, la fermentation gazeuse pourrait offrir un gain climatique encore plus important que la fermentation de précision, en réduisant les terres et les émissions nécessaires à la production d'aliments et en recyclant les émissions dans le même temps.

Le procédé d'Arkeon produit des acides aminés, les éléments constitutifs des protéines, sous forme de poudre. Selon Mme Tegl, le produit final pourrait être vendu pour être utilisé dans des poudres de protéines et des produits protéiques alternatifs, ou à l'industrie cosmétique.

Pour l'instant, Arkeon s'approvisionne en CO2 auprès des brasseries, mais M. Tegl estime qu'il pourrait être possible à l'avenir d'obtenir le gaz auprès des producteurs d'énergie - ce qu'ils devraient être prêts à faire pour se conformer aux réglementations en matière d'émissions. 

Selon M. Tegl, on ne sait pas encore si les acides aminés produits par fermentation gazeuse devront passer par le processus d'approbation des nouveaux aliments de l'Union européenne, qui réglemente les aliments tels que la viande cultivée et la fermentation de précision.

Le secteur européen de la fermentation gazeuse en pleine effervescence

Arkeon n'est pas la seule entreprise à travailler sur la fermentation gazeuse. Il y a aussi la société finlandaise Solar Foods, qui a levé 76 millions de dollars et dont les premiers produits ont été approuvés pour la consommation à Singapour. Solar Foods est légèrement différente d'Arkeon ; ses protéines sont fabriquées à partir des microbes eux-mêmes, plutôt que des acides aminés qu'ils produisent.

Des entreprises travaillent également à la conversion du CO2 en aliments pour animaux, comme Deep Branch, basée à Nottingham au Royaume-Uni, et Calysta, basée aux États-Unis. Calysta a levé 30 millions de dollars auprès de BP, ce qui montre l'intérêt des entreprises du secteur de l'énergie pour la chaîne de valeur du CO2 recyclé.

Il existe également des entreprises comme Second Circle, basée à Berlin, qui utilise la fermentation des gaz et un microbe présent dans le fumier de cheval pour transformer le CO2 en produits chimiques destinés à l'industrie chimique.

Pénurie de bioréacteurs et problèmes d'hydrogène

Arkeon a pour objectif de commercialiser ses acides aminés prêts pour les cosmétiques en 2024, puis de mettre sur le marché ses produits alimentaires dans les deux années suivantes. Avant cela, Arkeon doit augmenter suffisamment sa production pour se rapprocher de la parité des prix avec les producteurs d'acides aminés en place. La pénurie de bioréacteurs est un obstacle : l'augmentation de la demande, combinée à la pénurie d'acier, a entraîné un arriéré de commandes. 

Selon M. Tegl, le coût de l'hydrogène, nécessaire pour nourrir les microbes, est encore plus critique, car il est exacerbé par la pénurie d'hydrogène vert. "C'est notre coût le plus important ; il représente 60 % des coûts de production", explique-t-il. 

Compte tenu de la flambée des prix des denrées alimentaires dans toute l'Europe, le sort des entreprises innovantes de technologie alimentaire suscite quelques inquiétudes - symbolisées, pour beaucoup, par la chute brutale du cours de l'action du géant américain de la viande alternative Beyond Meat, qui a chuté de 83 % en 2022. Tegl est toutefois convaincu que la fermentation gazeuse continuera à recevoir le soutien des investisseurs.

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