Quels enseignements tirer du rapport “Transition(s) 2050” de l’ADEME?

A l’approche des élections présidentielles de 2022, l’ADEME a récemment publié le rapport “Transition(s) 2050”. Son objectif ? Alimenter les débats autour du changement climatique et de la neutralité carbone en proposant différents scénarios de transition.

Contexte et enjeux de “Transition(s) 2050”

Ce rapport s’appuie sur un constat initial simple : concrétiser les objectifs ambitieux fixés depuis les accords de Paris en 2015 demande de mettre en place rapidement une stratégie cohérente. Au vu des enjeux, celle-ci doit nécessairement s’appuyer sur un changement, plus ou moins radical, de paradigme sociétal, économique et industriel.

Partant de ce constat, les travaux de l’ADEME ont justement vocation à mettre en perspective plusieurs trajectoires possibles, contrastées, et présentant chacune une cohérence interne. A travers ces scénarios croisés, l’ADEME entend “rassembler des éléments de connaissances techniques, économiques et environnementales afin de faire prendre conscience des implications des choix sociétaux et techniques qu’entraîneront les chemins qui seront choisis.”

Quels sont les 4 scénarios envisagés par l’ADEME ?

L’ADEME a établi 4 scénarios offrant une approche contrastée des enjeux fondamentaux suivants :

• la consommation,
• le système productif,
• l’offre d’énergie,
• les ressources.

Ils se distinguent par les leviers qu’ils emploient pour atteindre leur objectif commun. Comme l’illustre la synthèse non exhaustive ci-dessous, certains s’appuient plutôt sur la notion de sobriété, quand d’autres misent avant tout sur la compensation technologique :

Ces scénarios ont l’intérêt de développer une approche systémique conjuguant différents niveaux (individuel, collectif) et secteurs d’action (modes de vie, économie, gouvernance). Ils mettent l’accent sur la dimension politique des choix et le pari humain ou technologique qu’ils représentent, y compris les risques associés.

Quels sont les messages clés du rapport ?

L’ADEME a dégagé 9 enseignements fondamentaux de son étude comparée :

1. Plusieurs voies, basées sur des modèles bien différents, permettent d’atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Mais toutes présentent des difficultés et demandent à la fois des décisions rapides, et une planification soigneusement orchestrée sur le plus long terme.
2. Chacune des trajectoires envisagées s’appuie sur un pari humain et/ou technologique fort, et demande des changements profonds dans les usages.
3. Quelle que soit la voie choisie, il est indispensable d’agir rapidement compte tenu de l’ampleur des transformations nécessaires.
4. La réduction de la demande en énergie est un paramètre clé pour atteindre les objectifs.
5. L’industrie doit être transformée en profondeur, afin d’une part, de décarboner la production, et d’autre part, de s’adapter aux mutations de la demande.
6. Le vivant est le principal levier de décarbonation, à travers le stockage de carbone, la production de biomasse et la réduction des gaz à effet de serre.
7. Par conséquent, l’adaptation de l’agriculture et de la gestion des forêts est une priorité dans la lutte contre le changement climatique.
8. La pression sur les ressources naturelles (eau, matériaux de construction…) varie considérablement d’un scénario à l’autre.
9. Tous les scénarios nécessitent que l’on atteigne 70 % d’énergies renouvelables d’ici 2050.

Par ailleurs, le rapport souligne la nécessité de penser la prise de décision de manière transversale et globale, en veillant à la cohérence d’ensemble des mesures.

Quels débats ouvre le rapport “Transition(s) 2050” ?

Partant de ces constats, l’ADEME dégage 5 problématiques qui doivent être débattues pour choisir la direction à emprunter :

• La sobriété : jusqu’où ? La sobriété est un levier beaucoup plus efficace pour atteindre la neutralité carbone que la course à la compensation technologique. Cependant, les résistances possibles à l’imposition d’un modèle de sobriété doivent être pensées par le système de gouvernance.
            
• Peut-on s’appuyer uniquement sur les puits naturels de carbone pour atteindre la sobriété ? Ceux-ci se révèlent plus efficaces que les méthodes technologiques de stockage et captation de CO2. Toutefois, ils peuvent être insuffisants à défaut d’adoption d’un modèle de sobriété avancé, et il peut être nécessaire de   développer des technologies complémentaires.
             
• Qu’est-ce qu’un régime alimentaire durable ? Le rapport souligne le bénéfice important d’un régime alimentaire moins carné, mais aussi la nécessité de lier l’agriculture aux autres problématiques sociétales et économiques.
            
• Artificialisation, précarité, rénovation : une autre économie du bâtiment est-elle possible ? Faut-il favoriser la cohabitation partielle et la rénovation, ou tout miser sur la reconstruction et les technologies innovantes ?
            
• Vers un nouveau modèle industriel : la sobriété est-elle dommageable pour l’industrie française ? Le rapport fait le constat qu’une relocalisation de notre industrie est indispensable. En revanche, le modèle à choisir reste à débattre : faut-il privilégier la qualité et l’économie circulaire à une production de masse ? Ou au contraire, rester sur un modèle quantitatif en s’appuyant sur une production décarbonée ?

Quel que soit le scénario choisi, le rapport souligne que ces évolutions doivent s’accompagner de plans d’investissement d’ampleur pour massifier les technologies matures, et faire émerger des innovations de rupture dans les procédés industriels (décarbonation, efficacité énergétique). Il note aussi la nécessité de mettre en place des politiques territoriales de soutien, d’emploi-formation, de reconversion, et d’aménagement.

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